Hamlet Acte 3 Scène 2
La grand-salle du château.
Entrent Hamlet et plusieurs comédiens.
HAMLET. - Dites, cette tirade, je vous prie, comme je l'ai prononcée
Devant vous, d'une voix naturelle ; mais si vous la braillez,
Comme font beaucoup de nos acteurs, j'aimerais autant faire dire mes vers
Par le crieur de la ville. Ne fendez pas trop l'air ainsi,
Avec votre bras ; mais usez de tout avec mesure ;
Car, au milieu même du torrent, de la tempête, et, je pourrais dire,
Du tourbillon de la passion, vous devez avoir et conserver assez de
Modération pour pouvoir la calmer. Oh! cela
Me blesse jusque dans l'âme, d'entendre un robuste gaillard, en
Perruque, mettre une passion en loques,
En haillons, et casser les oreilles de la galerie qui
La plupart du temps n'apprécie qu'une pantomime incompréhensible et le bruit. Je voudrais
Faire fouetter ce gaillard-là qui surcharge Termagant
Et surjoue Hérode!
Evitez cela, je vous prie.
PREMIER COMÉDIEN. - Je le garantie Your Honour.
HAMLET. - Ne soyez pas trop fade, non plus ; laissez-vous guider
Par votre propre discernement ; Accordez l'action aux mots,
Les mots à l'action, en particulier, n'outrepassez pas
La pudeur naturelle ; car toute exagération
S'écarte du but du théâtre qui, depuis le premier jour jusqu'a aujourd'hui,
Se devait et se doit toujours d'être le miroir de la nature,
De montrer à la vertu son propre visage,
A l'infamie sa propre image, et au temps, qui passe
Sa silhouette et son empreinte. Maintenant,
Si c'est exagéré ou affadi, bien que cela fasse rire le balourd
Cela ne fera qu'affliger l'homme judicieux.
La critique de celui-ci a, vous devez en convenir,
Plus de poids que celle d'une salle entière remplies des autres. Oh! j'ai vu
Jouer de ces acteurs, j'en ai entendu d'autres être loués au plus haut,
Comment ne pas dire cela de façon profane,
Qui n'avaient ni l'accent, ni la démarche d'un chrétien,
Ni d'un païen, ni même d'un homme!
Ils paradaient et beuglaient, et j'en étais arrivé à penser
Que des apprentis sorciers avaient façonnés des hommes et les avaient ratés,
Bref qu'ils avaient contrefait une humanité aussi abominable.
PREMIER COMÉDIEN. - J'espère que nous avons passablement réformé cela chez nous.
HAMLET. - Oh! Réformez-le tout à fait. Et que ceux qui jouent
Les clowns ne disent rien que ce qui est écrit pour eux!
Car il en est qui rient eux-mêmes pour faire rire un certain nombre de spectateurs
Au moment même où il faudrait porter attention à quelque situation essentielle de la pièce.
Cela est indigne, et montre la plus pitoyable prétention
Chez le clown dont c'est l'usage. Allez-vous préparer.
(Sortent les comédiens.)
Entrent Polonius, Rosencrantz et Guildenstern.
HAMLET, à Polonius. - Eh bien! My Lord le Roi entendra-t-il ce chef-d’œuvre?
POLONIUS. - Oui. La Reine aussi, et cela, tout de suite.
HAMLET. - Dites aux acteurs de se hâter.
(Sort Polonius. A Rosencrantz et à Guildenstern.)
Voudriez-vous tous deux les aider à se hâter?
ROSENCRANTZ et GUILDENSTERN. - Oui, My Lord
(Sortent Rosencrantz et Guildenstern.)
HAMLET. - Holà! Horatio!. Entre Horatio.
HORATIO. - Me voici, My sweet Lord, à votre service.
HAMLET. - Horatio, Tu es l'homme parfait
En qui ma conversation trouve toujours un écho.
HORATIO. - Oh! My dear Lord !
HAMLET. - Non, ne crois pas que je te flatte.
Car quel avantage puis-je espérer de toi
Qui n'as d'autre revenu que ta bonne humeur
Pour te nourrir et t'habiller?. A quoi bon flatter le pauvre?
Non. Qu'une langue mielleuse lèche le faste absurde ;
Que les genou servile se ploie là où le profit
Suit la flagornerie. Entends-tu?.
Depuis que ma chère âme est maîtresse de son choix
Et puis distinguer entre les hommes, elle t'a élu
Et marqué de son sceau ; car tu as toujours été
Celui, qui souffrant de tout, ne subit rien ;
Un homme que les revers et les faveurs de la fortune ont trouvé également reconnaissant.
Bienheureux ceux dont le tempérament et le jugement sont si bien en accord!
Car il n'y a pas, sous les doigts de la fortune, une flûte
Pour sonner par le trou qu'elle veut. Donnez-moi l'homme
Qui n'est pas l'esclave de la passion, et je le porterai
Dans le fond de mon cœur, oui, dans le cœur de mon cœur,
Comme je le fais pour toi... N'en rajoutons pas!
On joue ce soir devant le roi,
Une des scènes se rapproche de ce que je t'ai dit sur la mort de mon père.
Je t'en prie! quand tu verras cet acte-là en cours,
Avec toute l'attention de ton âme
Observe mon oncle. Si sa culpabilité occulte
Ne le fait pas sortir de sa tanière un seul bond
C'est un fantôme damné que nous avons vu
Et mes élucubrations sont aussi viciées
Que la forge de Vulcain. Prête lui une attention vigilante ;
Pour ma part mes yeux seront rivés à son visage,
Et après, nous confronterons nos deux jugements
Sur son attitude.
HORATIO. - Bien, My Lord.
S’il me dérobe un seul mouvement, pendant la représentation
Et s'il échappe à mon attention, que je sois responsable du vol!
HAMLET. - Les voici qui viennent voir la pièce. Je dois jouer mon rôle.
(A Horatio.) Va choisir ta place.
(Marche danoise. Fanfares.)
Entrent le Roi, la Reine, Polonius, Ophélie, Rosencrantz, Guildenstern et autres.
LE ROI. - Comment se porte notre cousin Hamlet ?
HAMLET. - Parfaitement, ma foi ! Je me nourris comme un caméléon : je mange
De l'air, et je me bourre de promesses. Vous ne pourriez pas nourrir ainsi des chapons.
LE ROI. -
Je n'ai rien à répondre. Hamlet, ces discussions ne sont pas pour moi.
HAMLET. - Ni pour moi désormais.
(A Polonius.) My Lord, vous jouâtes jadis à l'Université, avez-vous dit?
POLONIUS. - Oui, My Lord ; et je passais pour bon acteur.
HAMLET. - Et que jouâtes-vous?.
POLONIUS. - Je jouai Jules César. Je fus tué au Capitole ; Brutus me tua.
HAMLET. - Ce fut brutal de tuer un veau si capital...
Les acteurs sont-ils prêts ?
ROSENCRANTZ. - Oui, My Lord. ils attendent votre bon plaisir.
LA REINE. - Viens ici, mon cher Hamlet, assied toi auprès de moi.
HAMLET. - Non, ma bonne mère.
(Montrant Ophélie.) Voici un métal plus attractif.
POLONIUS, au Roi. - Oh! oh! remarquez-vous cela ?
HAMLET, se couchant aux pieds d'Ophélie. - Madame, m'étendrai-je entre tes cuisses ?
OPHÉLIE. - Non, My Lord.
HAMLET. - Je veux dire ma tête sur tes genoux.
OPHÉLIE. - Oui, My Lord.
HAMLET. - Crois-tu que j’ai en tête une affaire de CULture ?
OPHÉLIE. - Je ne pense rien, My Lord.
HAMLET. - C'est une affaire bien droite de s'étendre entre les jambes d'une fille.
OPHÉLIE. - Quoi, My Lord ?
HAMLET. - Rien.
OPHÉLIE - Vous êtes tout réjouis My Lord.
HAMLET. - Qui ? moi ?
OPHÉLIE. - Oui, My Lord.
HAMLET. - Oh Dieu ! je ne suis que ton boute-en-train. Qu'a un homme de mieux à faire
Que d’être réjoui ? Tiens, regarde comme ma mère a l'air réjoui,
Et il n'y a que deux heures que mon père est mort.
OPHÉLIE - Mais non, cela fait deux fois deux mois, My Lord.
HAMLET. - Si longtemps ? Nan alors, que le diable se mette en noir !
Car je porterai des vêtements de deuil. ô ciel ! mort depuis deux mois,
Et pas encore oublié ! Alors il y a espoir que la mémoire d'un grand
Homme lui survive une demi année. Mais pour cela, Dame ! il faut qu'il bâtisse force églises.
Sans quoi, il souffrira que l'on ne pense plus à lui
Comme le cheval du carnaval dont vous savez l'épitaphe :
Ouh, Ouh, le cheval du carnaval est OUblié.
les trompettes sonnent. La pantomime commence.
Un Roi et une Reine entrent : l'air fort amoureux, la reine l'enlace et lui aussi.
La Reine s'agenouille et fait au Roi force gestes de protestations.
Il la relève et penche sa tête sur son cou, puis s'étend sur un banc couvert de
Fleurs. Le voyant endormi, elle le quitte.
Alors survient un personnage qui lui ôte sa couronne, la baise, verse
Du poison dans l'oreille du Roi, et sort. La Reine revient, trouve le Roi
Mort, et donne tous les signes du désespoir. L'empoisonneur, suivi de deux ou
Trois personnages muets, arrive de nouveau et semble se lamenter avec elle.
Le cadavre est emporté. L'empoisonneur fait sa cour à la Reine en lui offrant des cadeaux. Elle semble
Faire montre de répugnance et de mauvaise volonté, un temps , mais elle finit par accepter son amour.
Ils sortent.
OPHÉLIE. - Que veut dire ceci, My Lord?.
HAMLET. - Dedieu! c'est un Méli-melomalhecho, ce qui veut dire un mauvais coup.
OPHÉLIE. - Cette pantomime indique probablement le sujet de la pièce.
Entre le Prologue.
HAMLET. - Nous le saurons par ce gaillard-là. Les comédiens ne peuvent
Garder un secret : ils diront tout.
OPHÉLIE - Nous dira-t-il ce que signifiait cette pantomime ?
HAMLET. - Oui, et tout ce que tu voudras lui faire voir.
N'ai pas honte de lui montrer, il n’aura pas de honte à te dire à quoi ça sert.
OPHÉLIE. - Vous êtes nul ! Vous êtes nul! Je veux suivre la pièce.
LE PROLOGUE.
Pour nous et pour notre tragédie,
Ici, inclinés devant votre clémence,
Nous demandons une attentive patience
HAMLET. - Est-ce un prologue, ou la devise d'une bague?
OPHÉLIE. - C'est bref, My Lord.
HAMLET. - Comme l'amour d'une femme.
Entrent 2 comédiens jouant Gonzague et Baptista.
GONZAGUE.
Trente fois a fait le tour le char de Phébus
De l'eau salé de Neptune et du sol arrondi de Tellus ;
Et trente fois douze lunes ont de leur éclat emprunté
Trente fois douze nuits, ce monde éclairé,
Depuis que l'amour a unit nos cœurs et l'hymen nos mains
Par les liens mutuels les plus divins.
BAPTISTA.
Puissent le soleil et la lune nous faire compter
Autant de fois leur voyage avant que cesse notre hyménée
Mais, malheur à moi ! depuis quelque temps vous êtes si mal
Si loin de votre joie et de votre état normal
Que vous m'inquiétez. Pourtant,
Vous ne devez-vous en troubler, plus avant ;
Car la crainte et l'amour d'une femme sont à part égale.
Maintenant, ce qu'est mon amour, il est royal
Et aussi grand est mon amour, aussi grande est ma crainte
Quand l'amour est grand, la crainte ne peut être restreinte
Et si la crainte grandit,
L'amour croit aussi.
GONZAGUE
Hélas, amour, je vais bientôt te laisser
Je sens mes forces vives m'abandonner
Toi, tu vivras après moi dans ce monde si beau,
Honorée, chérie ; et, peut-être un autre damoiseau
Se présentant pour époux, tu...
BAPTISTA. Oh! Fi de la question!
Un tel amour dans mon cœur serait trahison ;
Un second mari, Que je sois damnée ,
Nulle n'épouse le second sans tuer le premier.
HAMLET, à part. - absinthe et vermine que tout cela
BAPTISTA. Les raisons pour un second mariage
Sont basées non sur l'amour mais sur les avantages
Une seconde fois je tue mon défunt mari ,
Quand un second époux m'embrasse au lit.
GONZAGUE.
Aujourd'hui Vous dites ce que vous pensez,
Mais on brise souvent ces velléités
Esclave de la mémoire, la résolution est peu fiable
De naissance violente, mais, hélas, guère viable.
Ainsi, fruit vert, elle tient à la ramure ;
Mais elle tombe sans qu'on la secoue, dès qu'elle est bien mûre.
Fatalement, nous oublions de nous payer ce que nous nous devons,
Ce que nous nous sommes promis à nous-mêmes, dans la passion.
Une fois la passion finie,
La promesse tombe aussi
La violence de la peine et de la joie
Avec eux-mêmes détruit leur propre loi.
Plus la joie éclate, plus la douleur nous attend
La tristesse s'égaie et la gaieté s'attriste au moindre accident.
Ce monde n'est pas pour toujours ; et il n'est pas étonnant
Que mêmes nos amours changent avec le temps.
Car c'est une question qui reste en suspens,
Est-ce l'amour qui mène la fortune, ou inversement ?
Un grand homme chute-t-il? voyez comme s'envolent ses amis ;
le pauvre s'élève-t-il? Il n'a soudain plus d'ennemis.
Donc l'amour a suivi la fortune jusqu'ici ;
Car celui qui n'a pas de besoins ne manquera jamais d'ami ;
Et celui qui, dans la nécessité, veut éprouver un faux ami ,
Le change instantanément en ennemi.
Bref, pour conclure logiquement là où j'ai commencé,
Nos volontés courent en sens inverse de nos destinées.
Ainsi nos projets sont toujours bouleversés
Nos pensées sont nôtres ; mais leur fin sauront nous échapper !
Ainsi, tu crois ne jamais prendre un second mari ;
Mais, meure ton premier maître, tes idées mourront avec lui.
BAPTISTA.
Que la terre ne me nourrisse plus, ni les cieux de lumière ne diffusent
Que détente et repos à moi, nuit et jour, se refusent ;
Qu'en désespoir, soient changées ma foi et mes aspirations
Que les murs d'une prison soient mon seul horizon ;
Que tous les revers qui font blêmir le visage de la joie même
Croisent et détruisent tout ce que j'aime ;
Qu'ici-bas et dans l'au-delà je sois tourmentée
Si, une fois veuve, jamais, je ne sois épousée.
HAMLET, à OPHÉLIE. - Si maintenant elle rompt cet engagement-là!
GONZAGUE
Voilà un serment profond. Ma chère, laissez-moi un moment :
Mes esprits s'embrument, et je tromperais aisément
Les ennuis du jour par le sommeil...
(Il s'endort.)
BAPTISTA. ... Que le sommeil berce ton cerveau,
Et que jamais le malheur ne sépare nos êtres jumeaux.
(Elle sort.).
HAMLET, à la Reine. - Madame, appréciez-vous cette pièce?
LA REINE. - La dame fait trop de protestations, ce me semble.
HAMLET. - Oh! pourvu qu'elle tienne parole!
LE ROI. - Connaissez-vous le sujet de la pièce? N'y a-t-il rien d'offensant ?
HAMLET. - Non, non! ils font tout cela pour rire; du poison pour rire! Rien d'offensant en vrai.
LE ROI. - Comment appelez-vous la pièce?
HAMLET. - La Souricière. Comment?. Pardieu! au figuré. Cette pièce
est le tableau d'un meurtre commis à Vienne. Le duc s'appelle Gonzague,
sa femme Baptista. Vous allez voir.
C'est une œuvre infâme ; mais que nous importe ?
Votre Majesté et moi avons la conscience tranquille,
Cela ne nous touche pas, que grimacent ceux dont le col est irrité,
Nous notre cuir n'est pas entamé.
Entre Lucianus.
Celui-ci est un certain Lucianus, neveu du roi.
OPHÉLIE. - Vous faites très bien le chœur, My Lord
HAMLET. - Je pourrais expliquer ce qui se passe entre toi et ton amant,
Si je voyais se trémousser vos marionnettes.
OPHÉLIE. - Vous êtes piquant, My Lord, vous êtes piquant!
HAMLET. - Il ne t’en coûterait qu'un gémissement pour que ma pointe ne s'émousse.
OPHÉLIE. - De mieux en pire.
HAMLET. - C'est comme ça que vous devez prendre vos maris... Commence, meurtrier,
Laisse là tes damnées grimaces, et commence. Allons!
Le corbeau croassant crie Vengeance!.
LUCIANUS. Noires pensées, mains agiles, drogue prête, heure favorable.
L'occasion est bonne ; pas une créature ne regarde.
Mixture puante, de ronces arrachées à minuit,
Par l'imprécation d'Hécate, trois fois maudite, trois fois empoisonnée.
Que cette magie noire aux terribles propriétés
Corrompe cette santé et usurpe cette vie.
(Il verse le poison dans l'oreille du Roi endormi.)
HAMLET. - Il l'empoisonne dans le jardin pour lui prendre son état.
Son nom est Gonzague. L'histoire est vraie et écrite dans un italien châtié.
Vous allez voir tout à l'heure comment le meurtrier
Obtient l'amour de la femme de Gonzague.
OPHÉLIE. - Le roi se lève.
HAMLET. - Quoi! Effrayé par un tir à blanc ?
LA REINE. - Comment se trouve My Lord?.
POLONIUS. - Arrêtez la pièce!.
LE ROI. - Qu'on apporte de la lumière! Sortons.
TOUS. - Lumières! Lumières! Lumières!
(Tous sortent, excepté Hamlet et Horatio.)
HAMLET.
Laissons le daim blessé gémir,
le cerf épargné vagabonder!
Car les uns doivent veiller
pendant que d'autres doivent dormir.
Ainsi le monde court.
Si le reste de ma fortune tournait court.
Cette tirade ne pourrait-elle pas, Sir avec une forêt de plumes,
Et deux roses de Provence sur mes souliers percés,
Me faire camarade dans une meute de comédiens?
HORATIO. - Oui, à demi-part.
HAMLET. - A part entière.
Car tu le sais, O Damon chéri,
Ce royaume démantelé était
A dieu lui-même ; et maintenant celui qui le régit
Est un vrai, un vrai... coq
HORATIO. - Vous auriez pu rimer.
HAMLET. - ô mon bon Horatio, je tiendrais mille livres sur la parole du fantôme. As-tu remarqué?.
HORATIO. - Parfaitement, My Lord.
HAMLET. - Quand il a été question d'empoisonnement?.
HORATIO. - Je l'ai parfaitement observé.
HAMLET. - Ah! Ah!... Allons! un peu de musique! Allons! Des flûtes.
Car si le roi n'aime pas la comédie,
C'est sans doute qu'il ne l'aime pas, pardi!
Allons! de la musique!.
Entrent Rosencrantz et Guildenstern.
GUILDENSTERN. - Good My Lord, daignez permettre que je vous dise un mot.
HAMLET. - Sir, une histoire entière,
GUILDENSTERN. - Le roi, Sir...
HAMLET. - Ah! oui, Sir, qu'a-t-il?.
GUILDENSTERN. - il s'est retiré étrangement indisposé.
HAMLET. - Par la boisson, Sir?
GUILDENSTERN. - Non, My Lord, par la colère.
HAMLET. - Votre sagesse aurait fait montre de plus de richesse
En allant en instruire le médecin ; car, pour moi,
Si j'essayais de le purger, je le plongerais peut-être dans une plus grande colère.
GUILDENSTERN. – My good Lord, recadrez vos discours,
Et ne vous cabrez pas ainsi à ma demande.
HAMLET. - Me voici dompté, Sir ; déclarez..
GUILDENSTERN. - La reine, votre mère, dans la profonde affliction de
Son âme, m'envoie à vous.
HAMLET. - Vous êtes le bienvenu.
GUILDENSTERN. - Non, My good Lord, cette courtoisie n'est pas de la bonne espèce.
S'il vous plaît de me faire une saine réponse, j'accomplirai l'ordre de votre mère ;
Sinon, votre congé et mon retour sonneront la fin ma mission.
HAMLET. - Sir, je ne puis...
GUILDENSTERN. - Quoi, My Lord?
HAMLET. - Vous faire une saine réponse, mon esprit est malade. Mais,
Sir, pour une réponse telle que je puis la faire, je suis à vos ordres,
Ou plutôt, comme vous le disiez, à ceux de ma mère. Ainsi, sans plus
De paroles, venons au fait : ma mère, vous disiez?...
ROSENCRANTZ. - Donc, voici ce qu'elle dit : votre comportement l'a frappée
de stupéfaction et de sidération.
HAMLET. - ô fils prodigieux, qui peut ainsi stupéfier sa mère!... Mais
N'y-a-t-il de retour de sabot à épater sa mère? Parlez.
ROSENCRANTZ. - Elle demande à vous parler dans son cabinet, d'ici à ce que vous
Alliez vous coucher.
HAMLET. - Nous lui obéirons, fût-elle dix fois notre mère.
Avez-vous autre chose à traiter avec nous?.
ROSENCRANTZ. - My Lord, vous m'aimiez autrefois.
HAMLET. - Et je vous aime encore, par ces dix doigts filous et voleurs!
ROSENCRANTZ. - My Lord, quelle est la cause de votre trouble?.
Vous barrez la porte à votre délivrance, en cachant vos peines à un ami.
HAMLET. - Sir, je veux de l'avancement.
ROSENCRANTZ. - Comment est-ce possible, quand la voix du roi
Lui-même vous appelle à lui succéder en Danemark?
HAMLET. - Oui, mais, en attendant, l'herbe pousse..., et le proverbe lui-même se moisit quelque peu.
(Entrent les acteurs, chacun avec une flûte.)
Ah! les flûtes! - Faites m'en voir une. Maintenant, retirez-vous.
(Les acteurs sortent. A Rosencrantz et à Guildenstern qui lui font signe.)
Pourquoi me poussez-vous au vent
Comme si vous vouliez me rabattre dans un filet?.
GUILDENSTERN. - Oh! My Lord, si mon devoir est trop hardi,
Mon amour est trop rustre.
HAMLET. - Je ne comprends pas bien cela. Veux-tu jouer de cette flûte?
GUILDENSTERN. - My Lord, je ne sais pas.
HAMLET. - Je vous en prie.
GUILDENSTERN. - Je ne sais pas, je vous assure.
HAMLET. - Je vous en supplie.
GUILDENSTERN. - J'ignore même comment on la tient, My Lord.
HAMLET. - C'est aussi facile que de mentir. Joue de ces soupapes
Avec les doigts et le pouce, souffle ici
Avec la bouche ; et il en sortira la plus éloquente des musiques.
Vois, voici les trous.
GUILDENSTERN. - Mais je ne puis en tirer aucune harmonie.
Je n'ai pas ce talent.
HAMLET. - Quoi! Regarde toi maintenant, quel peu de cas tu fais
De moi. Vous voulez jouer de moi, vous voulez avoir l'air de connaître mes ressorts,
Vous voulez arracher le cœur de mon secret, vous voulez me faire
Sonner, depuis ma note la plus basse jusqu'au plus haut de la gamme.
Et il y a plus de musique, une voix mélodieuse dans ce petit instrument,
Mais, tu ne peux pas le faire parler. Sang-dieu, crois-tu pouvoir
Jouer de moi plus facilement que de cette flûte? Prends moi pour
L'instrument que tu veux, tu pourras faire grincer mes cordes, mais tu
Ne pourras jouer de moi.
Entre Polonius.
Dieu vous bénisse, Sir!
POLONIUS. - My Lord, la reine voudrait vous parler, et sur-le-champ.
HAMLET. - Voyez-vous ce nuage là-bas qui a presque la forme d'un chameau?.
POLONIUS. - Par la messe! on dirait que c'est un chameau, vraiment.
HAMLET. - Je le prendrais pour une belette.
POLONIUS. - Oui, il est tourné comme une belette.
HAMLET. - Ou comme une baleine.
POLONIUS. - Tout à fait comme une baleine.
HAMLET. - Alors, j'irai trouver ma mère bientôt ...
(A part)
Ils vont finir par me rendre fou...
J'irai bientôt.
POLONIUS. - Je vais le lui dire.
(Polonius sort.)
HAMLET. - Bientôt, c'est vite dit. Laissez-moi, mes amis.
(Sortent Guildenstern, Rosencrantz, Horatio).
Voici venue l'heure fatidique de la nuit,
Où les tombes bâillent, et où l'enfer lui-même souffle la
Contagion sur le monde. A cette heure, pourrais-je boire du sang tout chaud,
Et l'employer à une de ces amères noires besognes que le jour
Tremblerait de regarder? Doucement! Maintenant chez ma mère,
O mon cœur, garde ta sauvagerie ; que jamais
L'âme de Néron n'entre dans cette ferme poitrine!
Laisse-moi être cruel mais non pas barbare ;
Des poignards dans la voix, mais non à la main.
Qu'en ceci ma langue et mon âme soient hypocrites!
Aussi durs soient les mots qui causent son tourment
De passer à l'acte, jamais mon âme, ne consent.