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HAMLET par Hamlet, drame fabuleux

HAMLET par Hamlet, drame fabuleux

HAMLET, tragédie* dramatique de morts et de violences, de vengeances ou de justice, repose sur les révélations par le spectre d’un père, de son propre meurtre, qu’il restera à prouver ;

Mais avant le déclenchement du cycle de la violence, cette histoire débute par un remariage difficile à accepter par Hamlet.

Je suis ton père ! … Tu es ma mère !

Le personnage d’Hamlet est introduit dans HAMLET par une reconnaissance familiale autant que politique :

… Et maintenant, mon cousin Hamlet et mon fils... A1s2

De par son mariage avec sa mère, le Roi reconnait Hamlet comme son fils, autant que comme son cousin ou neveu.

Ce que moque Hamlet :

… Un peu plus que cousin, et un peu moins fils que je neveu. A1s2

Hamlet n’est pas Luke Skywalker! Claudius n’est pas Darth Vador!

Hamlet n’est pas Œdipe ! Il connait depuis toujours son père le vieil Hamlet**;

La filiation que lui propose ou lui impose le Roi son oncle est une filiation par alliance, une filiation juridique.

Hamlet, n’acceptant pas ce remariage, ne reconnait pas son oncle le Roi Claudius comme père de substitution.

Mais, il « reconnaitra » le Roi plus tard comme sa mère par équivalence :

HAMLET. - …en Angleterre! Adieu, chère mère!

LE ROI. - Ton père aimant, Hamlet.

HAMLET. - Ma mère! Père et mère, c'est mari et femme ;

Mari et femme, c'est même chair. Donc, ma mère!

Allons, En Angleterre! A4s4

Jeu des trois familles

La tragédie HAMLET se structure autour de trois familles triangulaires :

Une famille royale de Danemark avec un fils unique pour deux pères : Hamlet, le fils / la Reine Gertrude, sa mère /, le feu-Roi Hamlet, son père / le Roi Claudius, son oncle et père par alliance et substitution ; la substitution de père, entrainera l’évolution du triangle familial.

Une famille monoparentale de courtisans : Polonius, le père / Laerte, le fils / Ophélie, la fille : un parent et deux enfants, le triangle est inversé.

La relation de courtisan de Polonius envers le Roi et la relation amoureuse entre Hamlet et Ophélie seront les points de liaisons entre les deux familles.

La famille de Norvège qui n’existe dans la pièce qu’en tant que dynastie est constituée des trois rois : futur, actuel et ancien : Fortinbras, son oncle et son père ;

Notons que cette structure dynastique se retrouve chez les Danemark : Hamlet, son oncle le Roi actuel et son père l’ancien Roi.

Lutte de classes, guerre de positions

Dans HAMLET, nous pouvons identifier deux archétypes principaux de caractères :

Soit les personnages agissent et réagissent en « politiques », soit ils agissent et réagissent en fonction de position « familiale ».

Les personnages se répartissent en deux classes de caractères :

La classe des « politiques » : Le Roi, Polonius, tous les autres courtisans, Fortinbras ;

La classe des « familiaux » : Hamlet, La Reine, Ophélie, Laerte.

Les personnages vivent l’histoire en fonction de leur classe et de leur position.

Le Roi ne semble réagir qu’en fonction de son pouvoir et de sa conservation :

Il n’exprime aucun sentiment envers la Reine ;

Ainsi le mariage est manifestement un acte affirmant et confirmant son pouvoir et aucun indice ne nous permet de savoir si l’amour intervient dans l’affaire ;

Il positionne ses relations avec Hamlet sur la rivalité politique. ;

Il semble administrer les affaires familiales comme il administre l’Etat du Danemark ;

Ainsi sa réaction après les tirades « to be or not to be » et du « couvent » :

LE ROI. - L'amour! Non, son mal ne penche pas de ce côté-là ;

Non! Ce qu'il disait, quoique manquant un peu de suite,

Ne ressemblait pas à de la folie. Il y a quelque chose dans son âme

Que couve sa mélancolie ; et je redoute que de l'éclosion

N’en éclate quelque danger ; Pour le prévenir,

Voici, par une prompte détermination, ce

Que j'ai résolu : il partira sans délai pour l'Angleterre,

Pour réclamer le tribut négligé.

Peut-être les mers et pays différents,

Dans leurs variétés, chasseront-ils cette chose bien ancrée dans son cœur

Sur lequel son cerveau vient buter sans cesse et qui le met

Dans un état second... A3s1

A l’inverse, les actions et réactions d’Hamlet sont d’ordre purement familial ;

La mort de son père et le remariage de sa mère le touche en tant que fils, il ne se pose pas en successeur politique de son père ;

Hamlet ne quittera jamais ses noirs habits de fils et ne se projettera pas dans la peau du dauphin.

… Le Danemark est une prison … A2s2

Si les courtisans le voient en fonction de sa position politique et sociale, lui ne vit sa situation que comme un drame purement personnel et familial.

Il a cependant bien conscience des avantages de son statut en moquant les courtisans ; et il use et abuse d’une forme de violence de rang, qui n’est pas encore d’Etat, en tuant ou faisant tuer sans remord aucun, ces mêmes courtisans (Polonius, puis Rosencrantz et Guildenstern).

... Il est dangereux pour des créatures inférieures

de se retrouver au milieu d'une passe d'armes furieuse

de deux puissants adversaires ... A5s2

A la suite de ce constat, dans la dernière scène, juste avant le duel final, Hamlet évoque enfin, sa rivalité politique avec le Roi ;

Mais, subrepticement, en passant, et toujours après sa préoccupation principale : sa mère :

... Celui qui a tué mon père et prostitué ma mère,

Qui s'est fourré entre l’élection et mes espérances, A5s2

Peut-être que le fait d’avoir utilisé la bague-sceau de son père pour recacheter la lettre qui envoie à la mort Rosencrantz et Guildenstern en Angleterre, a éveillé chez Hamlet le goût du pouvoir !


Au sein de la famille des courtisans, Laerte et Polonius, réagissent à la relation d’Ophélie et d’Hamlet en fonction de leur position politique respective :

LAERTE. - (à Ophélie)

Peut-être [Hamlet] t'aime-t-il aujourd'hui ;

… ; mais tu dois craindre,

La grandeur de son statut, sa volonté ne lui appartient pas ;

Car il est lui-même le sujet de sa naissance.

Il n'est pas, comme les gens sans valeur,

Maître de lui-même ; car de son choix dépendent

Le salut et la santé de tout un État ;

Et aussi son choix doit-il être circonscrit

Par l'opinion et par l'expression de ce corps dont

Il est à la tête. Donc, s'il dit qu'il t'aime,

Tu serais avisée de n'y croire

Que dans les limites où son rang

Lui permet d'accorder ses actes à ses paroles :

Et ce n'est autre que la grosse voix de Danemark.

Crains-le, Ophélie, crains-le, ma chère sœur,

Et tiens-toi en retrait de ton affection, … A1s4

POLONIUS. – (à Ophélie)

Quant au Lord Hamlet,

Ce que tu dois penser de lui, c'est qu'il est jeune,

Et qu'il a pour ses écarts la corde plus lâche que toi

… A1s4

POLONIUS. – (au Roi et à la Reine)

… et j'ai dit carrément à cette jeune maîtresse :

Lord Hamlet est un prince, hors de ta sphère.

Cela ne peut pas être… A2s2

Ophélie et la Reine, seules rôles féminins de la tragédie, ne jouent aucun rôle politique.

Ophélie agit et réagit en sœur, fille et amoureuse (!) ;

La Reine, discutera avec Hamlet en tant que mère et n’affirmera aucune position politique auprès du Roi son mari.

Fortinbras, héritier, lui aussi, d’une dynastie Père-Oncle-Fils, occupe une position symétrique à celle d’Hamlet ;

Mais contrairement à ce dernier, il n’agira qu’en fonction de considérations uniquement politiques ;

Fortinbras est le lointain reflet « politique » d’un Hamlet « familial ».

Horatio tient une place à part ;

Confident d’Hamlet, narrateur de l’Épopée des Hamlet et des Fortinbras, il est plus témoin que protagoniste.

Pensées divergentes, histoires déviantes

En révélant leurs pensées, les personnages nous racontent leur histoire.

Les personnages se font auteurs/créateurs ; leur Mimesis participe de LA Mimesis.

Leurs pensées divergentes nous racontent une histoire subjective et peuvent même nous conter une histoire déviante.

HAMLET est composée de trois histoires qui se déroulent en parallèle et qui influent les unes sur les autres.

Une histoire principale de morts et de violences, de vengeances ou de justice entre Hamlet, Claudius et Laerte ;

Une histoire secondaire de relation amoureuse entre Hamlet et Ophélie ;

Une histoire sous-jacente de dynasties entre les Hamlet et les Fortinbras.

Pour identifier les histoires, commençons par identifier leurs auteurs/créateurs ;

Ainsi :

HAMLET tragique est raconté par Hamlet ;

HAMLET amoureux est relaté par Ophélie ;

HAMLET épique est narré par Horatio.

Histoire n°1 : HAMLET tragique raconté par Hamlet

Dans son soliloque n°7, confronté à sa vengeance, à sa violence, Hamlet à pleinement conscience du tragique de sa vie ;

Mais il constate en même temps l’inutilité pratique de cette position ;

Son caractère, fait que, placé en situation tragique, il n’agit pas en personnage mais en auteur.

Pour nous, spectateurs dans la salle, nous le voyons essayer de réécrire une Mimesis, recréer une imitation d’une imitation ;

Mais pour lui, personnage sur la scène, il ne peut échapper à son destin (de personnage).

Fortinbras comme Laerte, comme simples personnages, agissent conformément à leur destin*** tragique.

Hamlet se débat, débat avec lui-même, pour contrôler son destin ;

Et, se faisant, il crée son propre tragique dans le tragique.

Lui seul entend le spectre, lui seul obtient cette connaissance, cette reconnaissance aristotélique ;

Pour lui seul, la mort de son père est requalifié en meurtre ;

Et cette reconnaissance, qui n’appartient qu’à lui, va enclencher les événements, les péripéties de toute la Tragédie.

Comme il y a un patient zéro d’une épidémie, il y a une péripétie zéro et une reconnaissance zéro d’une Tragédie :

Double péripétie zéro : mort du Feu-Roi et remariage de la Reine, portée à la connaissance de tous ;

Reconnaissance zéro : meurtre du Feu-Roi, portée à la connaissance du seul Hamlet.

La tragédie n’existe que pour et par Hamlet. ;

Personnage et spectateur, il va se révéler auteur/créateur et acteur.

Il est l’unique audience, le seul récepteur de la parole du spectre ;

Mais, au lieu d’agir en personnage tragique (homme en action), il va sortir du cadre, il va réagir en créateur d’une Mimesis Tragique.

Il va créer « une pièce dans la pièce », une Mimesis dans la Mimesis pour tenter d’obtenir un aveu du Roi et une Catharsis judiciaire.

Au-delà de la mise en abîme, nous nous retrouvons face à un dessin d’Escher de la main dessinée qui se dessine elle-même :

Hamlet, auteur d’HAMLET

Si l’on enlève les soliloques, la succession des événements est classiquement celui d’une Revenge Tragedy :

P1 Victoire de Hamlet-père sur Fortinbras-père

P2 Mort de Hamlet-père

P3 Succession et remariage mère/oncle

P4 Pièce de théâtre

P5 Vengeance avortée : mort ratée du meurtrier et mort d’un substitut Polonius.

P6 Enterrement tronqué de Polonius

P7 Mort d’Ophélie

P8 Enterrement d’Ophélie

P9 Mort collatérale de la Reine

P10 Mort collatérale de Laerte

P11 Mort du Roi, vengeance enfin réussie d’Hamlet

P12 Mort d’Hamlet, vengeance réussie de Laerte avec l’aide machiavélique du Roi.

P13 Fortinbras le jeune ramasse la mise et la couronne

Cependant, nous voyons tout de suite que la péripétie « pièce de théâtre » est incongrue dans cette suite d’événements.

Elle est la seule à sortir de la logique de l’enchaînement des actions ;

Sans les pensées d’Hamlet exprimées dans ses soliloques, la « pièce dans la pièce » ne serait qu’une digression, une respiration ou un élément de comédie comme peut l’être la scène des fossoyeurs.

« La pièce dans la pièce » est la seule véritable action d’Hamlet ;

Ses meurtres sont des réactions impulsives ou de défense à des actions du Roi ;

Le Roi, homme d’État et de pouvoir est le principal pourvoyeur des actions de la tragédie.

Le caractère d’Hamlet le pousse à des actions, des non-actions et des réactions ;

Les pensées d’Hamlet, exprimées dans ses sept soliloques, nous racontent une autre histoire :

S1 Rage contre le remariage de sa mère avec son oncle

S2 Reconnaissance/requalification : du meurtre de son père, de son auteur, des victimes (les 2

Hamlet) ;

Refus de reconnaissance de la Reine comme complice

S3 Création d’une Mimesis tragique, « la pièce dans la pièce », à la recherche d’une Catharsis

judiciaire

S4 Conscience de la violence tragique : To be or not to be

S5 Refus de la vengeance envers sa mère

S6 Refus de la vengeance envers le Roi

S7 Constat d’échec de son rôle de créateur, acceptation de son rôle de personnage et de son destin

qui lui échappe

Au-delà de la pièce dans la pièce, il y a une Mimesis dans la Mimesis, une histoire dans l’histoire.

Les soliloques d’Hamlet, confortés par ceux du Roi, en livrant leurs pensées, racontent une histoire parallèle, une histoire racontée par les protagonistes, les personnages eux-mêmes pour les seuls spectateurs.

Le Roi n’avouera son crime que pour lui-même et les spectateurs lors du soliloque de sa prière avortée :

LE ROI. -

Oh! ma faute est infecte; elle pue jusqu'au ciel ;

elle porte en elle la première, la plus ancienne malédiction,

celle du fratricide!... prier; je ne puis;

bien que mon désir soit aussi aigu que ma volonté.

Ma trop forte culpabilité défait ma forte intention,

Et, comme un homme tiraillé entre deux devoirs,

je reste là, ne sachant par lequel commencer,

et je les néglige tous deux. Quand cette main maudite

Est rendue plus épaisse qu'elle-même par le sang fraternel,

n'y a t il pas assez de pluie dans les cieux cléments

pour la rendre blanche comme neige?. A quoi sert la pitié, si ce

n'est à affronter le visage du crime?.

Et qu'y a-t-il dans la prière, si ce n'est cette double vertu

de nous retenir avant de chuter, ou de nous

pardonner une fois à terre? Alors, Levons les yeux ;

ma faute est passée. Mais Oh! quelle forme de prière peut

Servir mon sort? Pardonnez-moi mon meurtre hideux!...

Cela est impossible, tant que je possède encore

Les objets pour lesquels j'ai commis le meurtre :

ma couronne, ma propre ambition, ma reine.

Qui peut être pardonné et jouir de son crime ? A3s3

La Reine, restera mutique sur la possibilité de sa complicité, même après la révélation d’Hamlet lors de leur dialogue dans sa chambre (A3s4).

A part Horatio, aucun autre personnage ne soupçonnera même la possibilité du meurtre ;

Et Horatio, recueillant les confidences d’Hamlet, n’aura d’autre rôle que celui de chroniqueur.

Histoire n°2 : HAMLET amoureux relaté par Ophélie

L’histoire de la relation amoureuse ( ?!) entre Hamlet et Ophélie est composée d’une dynamique aristotélique qui lui est propre.

Cette histoire d’amour est le pendant de l’histoire de haine ;

Ici le tragique (cela finit également mal) repose sur l’amour (vrai, supposé ou joué) et non la haine (vengeances).

Cette histoire commencera dans la crainte :

LAERTE. -

Peut-être [Hamlet] t'aime-t-il aujourd'hui ;

… ; mais tu dois craindre,

La grandeur de son statut, sa volonté ne lui appartient pas ;

Crains-le, Ophélie, crains-le, ma chère sœur,

Et tiens-toi en retrait de ton affection, … A1s3

et finira par inspirer de la pitié par « sa mort … suspecte » et son enterrement tronqué.

Les actions d’Ophélie sont relatées lors d’échanges verbaux, sous forme de dialogues :

A1s3 Échange avec son frère lors de son départ pour la France ;

A2s1 Échanges avec son père et récits de ses amours avec Hamlet ;

A3s1s2 Échanges avec Hamlet lors de joutes complices ;

A4s5 Monologues de sa « folie » avec la Reine, puis le Roi et Laerte ;

A4s7 Récit de sa mort, relatée par la Reine ;

A5s1 Scène de son enterrement avec reconnaissance du suicide par l’autorité religieuse,

reconnaissance du lien amoureux par la Reine et dispute mimétique entre Hamlet et Laerte.

Cette histoire d’amour repose principalement sur la narration de ses deux protagonistes et des dialogues ambigus des deux personnages, ce qui permet des interprétations, des lectures et des choix de mise en scène qui peuvent être radicaux****.

Et faute d’actions vécues sur scènes, ces récits peuvent être tous remis en questions :

L’histoire est relatée par Ophélie elle-même, relayée par son père qui y voit la cause de la folie d’Hamlet, puis validée par la Reine lors de l’enterrement.

Les deux scènes entre les deux « amoureux », si elles manifestent leur indéniable complicité, ne sont ni des scènes de déclaration, ni de validation de cet « amour » ;

Et la déclamation d’Hamlet dans la tombe d’Ophélie peut être d’abord lue et entendue comme une rivalité mimétique « fraternelle » à l’endroit de Laerte avant d’être une preuve d’amour envers sa sœur.

Histoire n°3 : HAMLET épique narré par Horatio

La tragédie est suspendue à la trame de fond de la rivalité entre Danemark et Norvège.

Les aventures des Hamlet et des Fortinbras nous sont narrées comme l’épopée des deux dynasties :

F1 En prologue, rivalité des deux pères Hamlet / Fortinbras ;

F2 En bruit de fond : levée de troupes et échanges diplomatiques ;

F3 En épilogue, Fortinbras futur Roi du Danemark.

Ce récit a pour chroniqueur Horatio.

HORATIO. - Cela, je peux te le dire;

Du moins d'après les bruits qui courent. Notre feu roi,

Dont l'image vient de nous apparaître,

Fut, comme vous savez, défié par Fortinbras de Norvège,

Piqué d'un orgueil jaloux.

Dans ce combat, notre vaillant Hamlet

- ainsi était-il estimé par cette partie du monde connu -

Tua ce Fortinbras; qui, par un contrat dûment scellé

Et ratifié par la loi et les armes

Perdit avec la vie toutes les terres qu'il possédait

Et qui revinrent au vainqueur.

En contrepartie, une portion équivalente

Avait été risquée par notre roi,

Et aurait été rattachée au patrimoine de Fortinbras;

S’il eut-été vainqueur, ainsi, d'après ce traité

Et des articles en question,

Ce fut pour Hamlet. Aujourd'hui, le jeune Fortinbras,

Avec l’impétuosité et la fougue de sa jeunesse,

A ramassé çà et là, sur les frontières de Norvège,

Une bande d'aventuriers sans foi ni loi,

Enrôlés moyennant le vivre et le couvert, pour de folles entreprises

Qui demandent de l'estomac ; or il n'a d'autre but

- et cela est très clair pour nos gouvernants –

Que de nous reprendre, par la force et la violence, ses fameuses terres,

Ainsi perdues par son père. Et voilà, je crois,

La cause principale de nos préparatifs,

La source de ces gardes renforcées, et l'origine

De ce remue-ménage dans le pays. A1s1

Fortinbras finira par revendiquer le trône vacant du Danemark perdu par son père :

FORTINBRAS. – ...

Pour moi, c'est avec tristesse que j'accepte ma fortune :

J’ai sur ce royaume des droits non oubliés,

Que ma position m'invite à revendiquer. A5s2

Avec l’assentiment d’Hamlet par la voix d’Horatio :

HAMLET. - Oh! Je meurs, Horatio ;

Le puissant poison triomphe de ma volonté;

Je ne pourrai vivre assez pour savoir les nouvelles d'Angleterre;

Mais je prédis que l'élection se portera

Sur Fortinbras ; il a ma voix mourante ;

Raconte-lui, avec plus ou moins de détails,

Ce qui a provoqué... Le reste est silence... A5s2

HORATIO. - Sur ce point, J'ai mission de parler,

Au nom de quelqu'un dont la voix en entraînera bien d'autres… A5s2

Horatio passe de récepteur à émetteur, d’auditeur à narrateur ;

Hamlet se raconte à Horatio : la révélation du spectre, l’aveu du Roi pendant la pièce, son aventure maritime et même sa relation avec Yorick ;

Et le charge de raconter son histoire ;

HAMLET. - … et dans ce monde si rude, épuise ton dernier souffle,

pour raconter mon histoire. A5s2

Horatio sera le chroniqueur de l’Histoire, ou de la Légende***** :

HORATIO. - et laissez-moi dire au monde qui l'ignore encore,

Comment ceci est arrivé. Alors vous entendrez

Parler d'actes charnels, sanglants, contre nature ;

D’accidents expiatoires ; de meurtres involontaires;

De morts causées par la perfidie ou par une force majeure ;

Et, pour dénouement, de complots retombés par

Méprise sur la tête des auteurs. Voilà tout ce que je puis

Vous raconter sans mentir.

HAMLET, tragédie fabulatoire

Les pensées sont les commentaires de l’action, avant, pendant, après :

… la pensée ;

C’est la faculté de dire les paroles nécessaires et convenables, ce qui dans les discours

est précisément le rôle de la politique et du rhétorique.

...

C’est le processus par lequel on démontre qu’une chose existe ou quelle n’existe pas ou

par laquelle on formule quelque idée générale. LA POETIQUE Ch. VI

Les personnages font l’histoire, mais aussi la raconte et se la raconte;

Dans les discours politiques, ils font l’histoire ;

Dans les discours rhétoriques, ils racontent l’histoire, vrai ou fausse ;

Dans les discours fabulatoires, ils se racontent l’histoire, vrai ou fausse (fabulation ou affabulation).

… l’expression est la manifestation de la pensée à travers les mots … Ch. VI

La pensée étant liée à l’expression les 3 types de discours sont associés aux 3 types d’expressions :

Les discours politiques ou rhétoriques, nécessitent un auditoire, nous les retrouvons dans les dialogues et les monologues ;

Les discours fabulatoires, peuvent eux se retrouver dans les soliloques, car on se ment d’abord à soi-même.

Les distiques****** permettent de marteler, d’identifier trivialement l’expression de ces pensées.

Le tragique d’ HAMLET peut être caractérisée par les relations qu’Hamlet entretient avec les personnages un à un :

Hamlet et ses tragédies

Avec le Spectre, Hamlet se crée sa propre tragédie de Justice ;

Avec le Roi son Oncle, Hamlet se crée sa propre tragédie de haine ;

Au travers et avec Ophélie, Hamlet vit une tragédie d’amour ;

Au travers d’Horatio et avec Fortinbras, Hamlet vit une tragédie épique ;

Et en sortant du cadre aristotélique, nous pouvons rajouter :

Avec la Reine sa mère, Hamlet vit une tragédie freudienne ;

Au travers de et avec Laerte, Hamlet vit une Revenge Tragedy mimétique :

HAMLET. - …

Pourtant je suis vraiment désolé, mon cher Horatio,

De m'être oublié vis-à-vis de Laerte.

Car dans l'image de ma propre cause je vois

L’image de la sienne. J'aimerais rester en bons termes avec lui :

Mais, vraiment, la bravache de sa douleur

M’a mis dans une colère noire. A5s2

Hamlet et ses doubles

Hamlet projette sa vengeance en Laerte ;

Hamlet projette sa folie en Ophélie ;

Hamlet projette son destin en Fortinbras ;

Et même :

Hamlet projette ses frustrations dans le Spectre ;

Hamlet projette sa fureur dans le Roi ;

Hamlet projette ses phantasmes dans la Reine.

Le tragique d’ HAMLET peut être caractérisé par les relations qu’Hamlet entretient avec les spectateurs.

Hamlet et ses soliloques

Le soliloque a-t-il été inventé pour Hamlet ?

Le personnage-titre en a sept, dont un peut être interprété comme un monologue à l’attention d’un Roi et d’un Polonius cachés (To be or not to be - A3s1).

Les deux soliloques du Roi (A3s3 et A4s3) confortent les soliloques d’Hamlet ; ils avalisent et valident donc la version de l’histoire qu’Hamlet nous dévoile.

Cependant ;

Quelles peuvent être la valeur en tant que reconnaissances des révélations intimes issues de soliloques?

Les reconnaissances dans les dialogues, valent pour l’ensemble des protagonistes témoins ;

Dans les soliloques les révélations ne le sont que pour nous, le public.

Aussi, doit-on pour autant croire tout ce qui nous est dit sous le ton de la confidence ?

Mythomanes ? Manipulateurs ? Les soliloqueurs peuvent-ils être menteurs ?

Peuvent-ils se tromper, se mentir ? Nous tromper, nous mentir ?

Candides ou « bon public », prenons-nous ces épanchements solitaires pour vérité, leur vérité, donc notre vérité ?

HAMLET et les fake news

Le théâtre est actions mais est aussi narrations ;

Et toute narration, tout ce qui est relaté, toute action non vécue sur scène ou validée par de nombreux témoins (comme le mariage) ne sont que :

… Paroles, paroles, paroles … (Dalida)

Les paroles du Spectre : FAKE NEWS !?

L'histoire d’amour et de mort d’Ophélie : FAKE NEWS !?

L’épopée de Fortinbras : FAKE NEWS !?

L’aventure maritime d’Hamlet : FAKE NEWS !?

La réputation de Laerte : FAKE NEWS !?

La tragédie d’HAMLET : FAKE NEWS !???????

HAMLET, drame fabuleux

Tragédie dramatique !

Le tragique aristotélique d’HAMLET se niche en premier lieu dans l’histoire ou fable :

… agencement des actes accomplis … POETIQUE ch.VI

Le tragique shakespearien s’affirme dans l’enchevêtrement d’histoires parallèles menées par des personnages qui accomplissent des actes (et même des actes manqués) en fonction de caractères bien positionnés.

Tragédie fabulée!

Le tragique shakespearien se déploie dans les pensées des personnages et leurs moyens d’expression ;

Le tragique d’HAMLET repose autant sur les actes que sur :

… des mots, des mots, des mots…

… Words, words, words…

A suivre …

*La réflexion s’appuie sur une grille de lecture issue de LA POÉTIQUE d’Aristote. Cet article explore les liens entre quatre des six parties de la tragédie aristotélique : l’histoire, les caractères, les pensées et l’expression ; et comment elles s’agencent dans HAMLET.

** Il est cependant possible de réécrire l’histoire familiale ; de considérer que Gertrude et Claudius étaient amants avant la mort du vieil Hamlet ; et que le jeune Hamlet est le fils adultérin du Roi ; ce n’est pas mon choix.

*** Si un auteur/créateur utilise des personnages connus, avec une histoire connue, cela permet de les enfermer dans leur destin ; l’histoire préexistante contraint autant l’auteur/créateur que ses personnages.

**** Ma lecture de la relation de complicité enfantine entre Hamlet et Ophélie, rejoint celle de Gérard Mordillat dans HAMLET LE VRAI.

***** « Quand la Légende est plus belle que l’Histoire, imprime la Légende !»

"When the legend becomes facts, print the legend!"

1962 "L'homme qui tua Liberty Valance" John Ford

****** La pièce est rythmée par une série de deux vers rimés, distillés tout son long. Nous y reviendrons dans un article spécifique.

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